Une recréation high-tech des œuvres d’art immortelles jette un nouvel éclairage sur l’aube de l’imagination humaine.
En descendant un sentier à travers la pénombre souterraine, des murs de calcaire dominent les 13 mètres de hauteur et plongent dans un gouffre. Des stalactites étincelantes pendent du plafond. Après plusieurs tours et détours, on atteint un cul-de-sac. En éclairant avec une lampe de poche les murs, sortent de l’obscurité des dessins au fusain et à l’ocre rouge de rhinocéros laineux, de mammouths et d’autres mammifères qui ont commencé à disparaître au Pléistocène, il y a environ 10 000 ans.
Cela ressemble à un voyage dans les profondeurs de la terre alors que çà se déroule en fait dans un hangar géant en béton installé dans les collines boisées de pins des gorges de l’Ardèche, dans le sud de la France.
Les parois rocheuses sont en mortier couleur pierre moulé sur échafaudage métallique ; les stalactites ont été fabriquées dans un atelier parisien à partir de plastique et de peinture.
Certaines des peintures murales sont l’œuvre d’un guide, Alain Dalis, et de l’équipe d’artistes de son atelier, Arc et Os, à Montignac, au Nord de Toulouse. Dalis fait une pause devant un panneau représentant une fierté de lions de profil dessinés au fusain. «Celles-ci ont été dessinées sur du polystyrène, une résine synthétique, puis fixées au mur», me dit-il. Le résultat est une réplique méticuleuse et captivante de la chambre d’extrémité, également appelée Galerie des Lions, à l’intérieur de la grotte Chauvet, située à cinq kilomètres d’ici et largement considérée comme le plus grand dépôt d’arts du Paléolithique au monde.
Ce fac-similé de 62,5 millions de dollars s’appelle la Caverne du Pont d’Arc, d’après un repère à proximité: une arche naturelle en calcaire érodé qui enjambe la rivière Ardèche et connue de l’homme depuis l’époque paléolithique. La réplique, ouverte au public en 2017, est en chantier depuis 2007, lorsque le gouvernement départemental de l’Ardèche, reconnaissant qu’un public international réclamait de voir la grotte, avait décidé de s’associer à d’autres bailleurs de fonds publics et privés pour construire un simulacre. Les restrictions imposées par le ministère français de la Culture excluent tous les scientifiques et les autres chercheurs du fragile environnement de la grotte elle-même.
Cinq cents personnes – artistes et ingénieurs, architectes et concepteurs d’effets spéciaux – ont collaboré au projet, utilisant:
- une cartographie informatique 3D,
- des numérisations haute résolution et des photographies pour recréer les textures et les couleurs de la grotte.
«Il s’agit du plus grand projet de ce type au monde, nous avons fait ce choix ambitieux … afin que tout le monde puisse admirer ces trésors exceptionnels, mais toujours inaccessibles. »
Pascal Terrasse, président du projet Caverne du Pont d’Arc et député de l’Assemblée nationale ardéchoise
La caverne est non seulement un hommage époustouflant à un lieu, mais aussi à un moment. Il célébrait l’après-midi froid de décembre 1994 lorsque trois amis trois amis et spéléos du week-end- Jean-Marie Chauvet, Eliette Brunel et Christian Hillaire – ont suivi un courant d’air dans une ouverture d’une falaise calcaire, empruntant un passage étroit à l’aide de marteaux et de poinçons pour écorcher les rochers et les stalactites qui ont bloqué leur progression et sont descendus dans un monde figé dans le temps – son entrée principale est bloquée par un énorme glissement rocheux il y a 29 000 ans.
Brunel, la première à avoir traversé le passage, aperçut des dépôts cristallins surréalistes qui s’étaient accumulés pendant des millénaires, puis s’arrêta devant une paire de lignes rouges floues tracées sur le mur à sa droite. «Ils ont été ici», cria-t-elle à ses compagnons impressionnés.
Le trio se déplaça avec précaution sur le sol en terre, essayant de ne pas marcher sur les cendres cristallisées d’un ancien foyer, regardant avec émerveillement des centaines d’images. «Nous nous sommes retrouvés devant un mur de pierre entièrement recouvert de dessins ocre rouge», se souviennent les spéléologues dans leur bref mémoire publié l’année dernière. «Le panneau contenait un mammouth avec un long tronc, puis un lion avec des points rouges éclaboussés autour de son museau en arc de cercle, comme des gouttes de sang. Nous nous sommes accroupis, regardant le mur de la grotte, muets de stupéfaction.